Numéro courant
Le quatrième numéro des Annales de la Faculté de droit de l’ULPGL-Goma
intervient dans un contexte particulier où le Nord-Kivu a traversé quatre
moments exceptionnels ; c’est dire de l’état d’urgence sanitaire causé par
Ebola à l’état d’urgence sanitaire causé par la Covid-19 puis l’état de siège
dont le début avait coïncidé avec la catastrophe naturelle de l’éruption
volcanique du 22 mai 2021.
D’une période exceptionnelle à une autre, le corps académique et
scientifique a été touché à tel enseigne que plusieurs membres nous ont
quitté, certains ont perdu les plus proches, d’autres ont perdu d’habitations,
etc. et tout cela a eu pour effet de retarder la parution de ce quatrième
numéro dans une période exceptionnelle. D’où l’intitulé de ce numéro
« Etat de siège : entre nécessité et précipitation ».
Depuis plus de deux décennies, la République Démocratique du
Congo (RDC) est plongée dans une série des conflits armés dans lesquels
des crimes innommables ont été commis. L’actualité démontre la
persistance de l’insécurité et de la crise humanitaire dans certaines
provinces car certains groupes armés sont encore actifs et des crimes graves
continuent d’être commis. Tel est le cas des provinces du Nord-Kivu et de
l’Ituri.
Face à l'escalade de la violence dans lesdites provinces et afin de
mettre un terme au cycle de massacres de la population civile, le
Gouvernement de la RDC a décidé de mettre ces deux provinces en état de
siège par l'ordonnance présidentielle n° 21/016 du 3 mai 2021.1
L'effet immédiat de l'état de siège fut de remplacer l'administration
civile par une administration militaire et d’étendre la compétence des
juridictions militaires à connaître des infractions commises par les civils.
Cependant, après vingt-huit prorogations de l’état de siège, soit du 03 mai
1 Ordonnance N° 21/015 du 03 mai 2021 portant proclamation de l’état de siège sur une partie
du territoire de la République Démocratique du Congo
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2021 au 17 juillet 2022, le cadre juridique n’était pas adapté en plus du
nombre très réduit des magistrats militaires de connaitre de toutes les
affaires pénales.
L’adoption de l’Ordonnance N°22/024 du 18 mars 2022 modifiant et
complétant l’ordonnance N°21/016 du 03 mai 2021 portant mesures
d’application de l’état de siège montre une précipitation dans la
proclamation et prorogations de l’état de siège dans les deux provinces
concernées. L’article 1er de l’ordonnance du 18 mars 2022 énumère les
infractions1
commises par les civils dévolus aux juridictions militaires
pendant la suite de l’état de siège. En outre, il est à déplorer le fait que
l’exposé de motif de l’ordonnance évoque un défi important de
l’insuffisance des magistrats militaires face à l’abondance d’affaires
déférées devant les juridictions militaires sans y remédier.
Il est vrai que l’actualité est particulièrement riche, mais la période
n’est assurément pas facile pour identifier toutes les opportunités de
recherche qui se présentent. Les Annales de la Faculté de Droit de
l’ULPGL-Goma ont vocation de jouer ce rôle afin de permettre à tout
chercheur juriste de discerner et contribuer par une réflexion originale.
Dans ce quatrième numéro des Annales de la Faculté de Droit de
l’ULPGL-Goma, J.D. Kakule Kausa analyse l’impact des mesures
d’application de l’état de siège sur le droit à un procès équitable des
populations civiles. L’auteur trouve que le transfert intégral de la
compétence répressive des juridictions civiles vers les juridictions
militaires a été ordonné en violation de la constitution et des standards
internationaux relatifs au droit à un procès équitable.
Pour mieux protéger les droits non dérogeables pendant l’état
d’urgence, F. Mugombozi Akonkwa estime qu’il aurait été impérieux
d’adopter certaines règles sine qua non avant la phase d'état d'urgence pour
une protection efficace des droits fondamentaux en RDC.
Malheureusement, l’absence de ces mesures a été à l'origine de plusieurs
1 Meurtre, assassinat ; enlèvement d’une personne, arrestation et détention arbitraire ; vol
commis à l’aide de l’effraction ou fausses clefs, vol commis la nuit dans une maison habitée
ou ses dépendances, vol à main armée ; association des malfaiteurs ; évasion des détenus ;
atteintes à la sûreté de l’Etat ; torture ; extorsion ; et viol.
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violations des droits de l'homme lors de la mise en œuvre des mesures de
l’état d'urgence. Ainsi, suggère-t-elle des poursuites contre tous les
présumés auteurs de violations des droits de l'homme pendant l'état
d'urgence.
En ce qui concerne le droit à la santé des travailleurs, P. Mazambi
Riziki trouve son ineffectivité alors que la loi oblige l’employeur à prendre
en charge les frais de soins médicaux de ses travailleurs et leurs dépendants.
Pour y remédier, les prestations des mutuelles de santé devraient être
alignées aux prévisions du code du travail pour permettre aux travailleurs
de jouir de ce droit garanti par les instruments juridiques.
Au sujet de la protection des réfugiés en RDC, S. Balaga Essasi
critique la procédure de détermination du statut de réfugié devant la
Commission Nationale pour les Réfugiés et de la Commission des recours.
Celle-ci ne permet pas le respect des droits fondamentaux, ni un accès à un
meilleur environnement de protection des réfugiés. Ainsi, pour garantir une
procédure de décision équitable et efficace conforme aux standards
internationaux, l’auteur trouve qu’il est nécessaire de créer une Cour
Nationale devant connaître des demandes d’asile afin d’assurer l’exercice
du droit de recours, un des principes clés pour un Etat de droit.
Analysant l’inexécution des décisions rendues par la Cour Africaine
des droits de l’Homme et des peuples par les Etats membres, R. Nama
Cuma estime que cette attitude constitue un net recul dans la consolidation
de l’Etat de droit et la promotion et protection des droits de l’homme en
Afrique.
Alors, très bonne lecture.